Le pouvoir féminin en Europe

Depuis la fin des années 1970, les femmes ont progressivement investi les plus hautes sphères du pouvoir politique en Europe. Si certaines figures comme Margaret Thatcher ont marqué l’histoire par leur poigne et leur impact international, d’autres, bien que moins médiatisées, ont ouvert la voie avec une audace exemplaire. Ensemble, elles ont redéfini les contours du leadership et prouvé que la politique au féminin n’est ni marginale ni secondaire.

©Simone Veil ministre de la Santé, a gagné la bataille de l’avortement. – © Philippe Ledru / akg-images

Les figures marquantes

Vigdís Finnbogadóttir, la pionnière

©Axel Sigurdarson

En 1980, l’Islande fait un choix qui marquera à jamais l’histoire politique mondiale : élire Vigdís Finnbogadóttir à la présidence de la République. Inconnue du monde politique jusqu’alors, cette intellectuelle et féministe convaincue devient la première femme élue au suffrage universel direct à la tête d’un État souverain. Ce moment fondateur n’est pas anondin : il bouleverse les mentalités dans une société encore marquée par des résistances, parfois même féminines, à l’idée d’un pouvoir exercée par une femme.

Durant ses seize années de mandat, Finnbogadóttir incarne un symbole fort pour les jeunes générations et pour toutes les femmes. Elle prouve qu’aucune expérience partisane n’est nécessaire pour occuper la plus haute fonction, et surtout que l’intelligence, l’écoute et la détermination peuvent suffire à transformer une nation.

« Aujourd’hui, ce n’est plus choquant de voir une femme à la tête d’un pays, et c’est exactement ce que nous voulions », affirmait-elle récemment, rappelant que l’égalité politique n’est pas une faveur, mais un droit.

Margaret Thatcher, la Dame de fer

©The Thatcher Estate, via Wikipédia. Utilisation autorisée sans restriction.

En 1979, un nom difficile à oublier s’impose au Royaume-Uni : celui de Margaret Thatcher. Première femme Première ministre britannique, elle incarne une tout autre forme de pouvoir féminin : autoritaire, tranchante, résolument ancrée dans une idéologie libérale. Surnommée la « Dame de fer », elle gouverne pendant onze ans – le plus long mandat du XXe siècle au Royaume-Uni – et laisse une empreinte politique indélébile.

Sa trajectoire est celle d’une femme de conviction, qui échoue une première fois à se faire élire au Parlement en 1950, mais qui persévère jusqu’à obtenir son siège neuf ans plus tard. En 1975, elle prend la tête du Parti conservateur, puis du gouvernement en pleine crise économique. Avec des réformes drastiques, une volonté constante et une politique étrangère affirmée, Thatcher devient une figure controversée mais incontestablement influente.

Elle a ouvert la voie à une visibilité féminine accrue dans la sphère jusque-là presque exclusivement masculine. Son passage au pouvoir est à la fois une leçon de ténacité et une démonstration de l’autorité possible au féminin.

Simone Veil, un nom emblématique pour toutes les femmes européennes

Source : Photo : AFP / Joël Saget

Première femme élue à la présidence du Parlement européen en 1979, elle est non seulement la première femme à occuper ce poste, mais aussi la première à y avoir été élue au suffrage universel direct. Elle ouvre la voie à des milliers d’autres femmes dans la sphère politique. Rescapée des camps de concentration nazis, elle porte en elle les cicatrices d’une histoire tragique qui forge son engagement européen. C’est dans cette souffrance que naît sa conviction profonde en une Europe unie et pacifiée. Elle entre en politique en France sous la présidence de Valéry Giscard D’Estaing, en tant que ministre de la Santé. C’est à ce poste qu’elle mène l’un de ses combats les plus marquants : la légalisation de l’avortement. Malgré les oppositions virulentes, elle parvient à faire adopter en 1975 la loi qui porte aujourd’hui son nom, la « loi Veil ». Par sa détermination et son courage, elle inscrit une avancée majeure pour les droits des femmes dans l’histoire politique française et européenne.

Ces figures politiques incarnent la force féminine en Europe. Par leur détérmination, leur engagement et leur vision, elles ont ouvert la voie à d’innombrables femmes, bien au-délà du champ politique. Leur influence dépasse les frontières et touche aussi la vie quotidienne, en offrant de nouveaux modèles d’ambition et d’émancipation.

Les dirigeantes contemporaines en Europe

Fait marquant : plusieurs pays d’Europe de l’Est ont porté des femmes à la tête de l’État, une situation encore rare à l’Ouest où les femmes accèdent plus souvent à des postes de cheffes de gouvernement que de présidentes. Angela Merkel, chancelière allemande pendant seize ans, en est un exemple emblématique. Plus récemment, Giorgia Meloni est devenue, en octobre 2022, la première femme présidente du Conseil des ministres en Italie. Figure controversée de la droite radicale, elle n’en demeure pas moins une femme occupant un poste de pouvoir dans un paysage longtemps dominé par les hommes.

Les pays baltes comptent eux aussi plusieurs dirigeantes influentes. En Lettonie, Vaira Vike-Freiberga a marqué l’histoire en devenant la première femme présidente en 1999, jouant un rôle central dans l’adhésion du pays à l’Union européenne et à l’OTAN. En Estonie, Kaja Kallas a dirigé le gouvernement jusqu’en 2024, affirmant une ligne pro-européenne forte. Quant à la Lituanie, Dalia Grybauskaitė, élue présidente avec 68 % des voix, a été reconduite pour un second mandat, forte d’un large soutien populaire.

Autre pionnière, Meglena Kuneva, figure-clé de l’adhésion de la Bulgarie à l’UE, a été commissaire européenne avant de devenir vice-première ministre entre 2014 et 2016.

En Moldavie, Maia Sandu est devenue la première présidente du pays en 2020. Ancienne économiste à la Banque mondiale, elle incarne la lutte contre la corruption et la volonté d’un rapprochement stratégique avec l’Union européenne.

Au Kosovo, Vjosa Osmani, élue présidente en 2021 à seulement 38 ans, symbolise à la fois la jeunesse, le progrès et le féminisme. Peu médiatisée en Europe de l’Ouest, elle est pourtant une figure influente dans les Balkans, saluée pour ses combats. Elle est la deuxième femme élue à ce poste.

L’histoire politique européenne montre que, malgré les obstacles persistants, les femmes continuent de conquérir des postes de pouvoir. Chacune de ces trajectoires envoie un message clair  : les femmes ont leur place au sommet. Leur ascension inspire une nouvelle génération à croire en ses ambitions, même dans un monde où les règles du jeu, longtemps écrites par les hommes, peuvent désormais l’être par les femmes.

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